5ème dimanche de Pâques

dimanche 28 avril 2024

Par le père Philippe Blanc, chapelain

 

Le désir et l’invitation du Seigneur viennent d’être chantés et proclamés dans l’évangile : Demeurez en moi, comme moi en vous. Nous pourrions dire que c’est toute la longue et belle histoire des relations entre Dieu et son peuple, entre le Christ et ses disciples, qui est ainsi résumée. Toute la révélation biblique nous transmet cette bonne nouvelle : le Père nous parle et manifeste la fidélité de son amour, le Christ vient en notre humanité et devient en tout semblable à nous, l’Esprit nous est donné et devient notre force et notre défenseur afin qu’à l’annonce du salut, le monde entier, en entendant croie, qu’en croyant il espère, qu’en espérant il aime (DV, 1).

Notre foi est fondée sur la proclamation et la mémoire du mystère pascal, bonne nouvelle offerte à toute l’humanité pour qu’elle soit libérée de la puissance du mal et participe à la vie même de Dieu. Notre espérance est de demeurer dès à présent dans la lumière du Christ vainqueur de la mort en accueillant la vie nouvelle acquise par son offrande sur la croix. Notre amour n’est plus seulement un commandement, mais il est la réponse au don de l’amour par lequel Dieu vient à notre rencontre (Deus caritas est, 1).

Par son Fils, Dieu vient à notre rencontre comme le bon pasteur qui connaît ses brebis et qui est prêt à donner sa vie pour elles. Il vient accomplir la mission de rassembler dans l’unité l’humanité encore divisée afin qu’il n’y ait qu’un seul troupeau et un seul pasteur. Aujourd’hui, les liens nouveaux qui unissent Dieu et chacun de ses enfants sont mis en lumière par la parabole de la vigne. Pour accueillir la signification du message, nous avons besoin de la présence de l’Esprit Saint car c’est lui qui nous enseigne et nous fait souvenir de tout ce que Jésus nous a dit.

Jésus nous dit aujourd’hui : Moi, je suis la vraie vigne, comme il est le bon pasteur, la résurrection, le Chemin, la Vérité et la Vie. Toutes ces affirmations nous révèlent qui est le Christ pour nous, elles nous disent aussi quelle est sa mission. Fils unique, il vient à notre rencontre pour demeurer parmi nous afin de nous montrer en actes l’amour du Père dans la multiplicité de ses facettes et de ses mises en œuvre. Il vient pour nous associer à sa mission et faire de nous des humbles collaborateurs dans la vigne du Seigneur. Par sa venue en notre humanité, le Verbe demeure en nous et nous dit : demeurez en moi, ce qui signifie : demeurez dans mon amour.

Ce sont ces liens d’amour et de vie qui sont exprimés par les paroles de Jésus sur la vigne, le vigneron et les sarments. Il nous explique lui-même : il est la vigne, le Père est le vigneron et nous sommes les sarments. Immédiatement la mission est en perspective : porter du fruit, porter beaucoup de fruit. Au-delà de l’image, c’est de notre vie et de notre union au Christ, pour être avec lui un avec le Père, qu’il est question. Il ne s’agit pas d’une leçon de botanique ou d’agriculture, mais d’une leçon de vie. Dans l’évangile qui vient d’être proclamé, le verbe demeurer revient à huit reprises. Avec insistance Jésus nous dit quels sont les liens qui doivent caractériser notre communion de vie avec lui, et la réaliser dans le concret de notre vie quotidienne.

La vocation du sarment, c’est de porter du fruit. Pour qu’il porte ce fruit en abondance, il est nécessaire que le sarment soit taillé et qu’il demeure sur la vigne. Eh bien, il en est de même pour nous. Nous ne portons pas du fruit d’abord parce que nous avons telle compétence, tel savoir ou tel pouvoir, mais parce que nous sommes simplement un sarment qui se laisse entretenir et façonner par l’amour créateur du Père, par l’amour sauveur du Christ, par l’amour communion de l’Esprit. Laissons de côté les rêves fous de vouloir prendre la place du Père-vigneron ou du Christ-vigne. Soyons pleinement ce que nous sommes, des sarments bien vivants, riches de promesse, rayonnants de la joie de se savoir aimés, porteurs de fruits qui rendent gloire à Dieu. Le choix est simple : soit nous demeurons en Jésus et nous sommes un sarment capable de porter du fruit, soit nous ne demeurons pas en lui et alors nous sommes un sarment sec qui est voué au feu. Les demi-mesures ne sont plus d’actualité.

La gloire du Père, nous dit Jésus, c’est que nous portions beaucoup de fruit et que nous soyons ses disciples. Marcher à la suite de Jésus en demeurant en son amour et porter des fruits qui témoignent de la fécondité de la vie toujours nouvelle qui nous est offerte… voilà notre chemin et notre engagement de baptisé. Pour les sarments, il n’y a pas de fécondité possible en dehors de la communion avec la vigne et le vigneron. Le sarment qui s’est détaché de la vigne, qui croit pouvoir se suffire à lui seul, qui s’imagine être assez grand pour être totalement autonome finira dans le feu où sont jetés les sarments desséchés. Non seulement ils sont devenus secs, mais ils ont privé la vigne de sa vraie vigueur. Telle n’est pas la vocation des sarments, telle n’est pas la vocation des disciples du Christ. Nous ne sommes pas appelés pour être desséchés mais pour être abreuvés à la source jaillissante de l’amour qui jaillit du cœur du Christ. Appelés, nous sommes aussi envoyés pour donner à boire à celles et ceux qui ont soif, pour leur offrir le témoignage de notre vie, pour que la sève d’une vie nouvelle les remette debout dans leur dignité d’enfants bien-aimés du Père.

S’adressant aux premières communautés chrétiennes, saint Jean leur prodigue un conseil précieux, qui n’a rien perdu de son actualité. N’aimons pas en paroles ni par des discours, mais par des actes et en vérité. De nouveau, il est question de la fécondité de la vie chrétienne vécue en communion avec le Christ. Il ne s’agit pas d’opposer paroles et actes. Mais, pour ne pas tomber dans un simple activisme qui nous épuise, n’oublions pas de sans cesse revenir à la source, de raviver notre communion avec la vigne, de nous laisser façonner et entretenir par le vigneron. Lorsque nous sommes un peu découragés devant le peu de résultats apparents, plutôt que de nous lamenter ou de douter, vérifions si nous sommes encore un vrai sarment ou un sarment en voie de dessèchement.

L’amour du vigneron invite la vigne à donner le meilleur d’elle-même. Alors, n’oublions pas : le désir du sarment que nous sommes, c’est de tout recevoir de la vigne qu’est le Christ et d’être ainsi la joie du vigneron qu’est le Père.

Amen.